[Traduction] La passion pour la liberté – Interview avec Jean Weir

mars 18th, 2017 by conflits

La présente interview a été initialement publiée dans le N°8 de la revue anarchiste britannique 325 dont la version PDF est disponible ici : https://325.nostate.net/library/8-325_net1.pdf

Jean Weir y revient sur la répression qui l’a frappée, elle et ses complices, ainsi qu’un grand nombre d’anarchistes italiens suite à un braquage de banque à Rovereto en 1994. Elle y parle du procès qui en a suivi, avec notamment l’émergence de l’affaire Marini, puis de son séjour en prison.
Elle aborde ensuite la lutte à laquelle elle a participé aux côtés des locaux et de ses compagnonnes et compagnons dans les années 80 à Comiso contre une base de missiles.
L’interview se termine sur son projet de traduction et d’édition de textes, Elephant Editions, et les raisons qui l’ont poussée à se lancer dans la traduction des textes anarchistes italiens de l’époque.

Ces raisons, nous les partageons en grande partie, c’est pourquoi nous avons nous-mêmes décidé de traduire cette interview ainsi qu’un certain nombre d’autres textes qui suivront. Nous pensons que la diffusion des idées – et des pratiques – anarchistes doit suivre la perspective anationaliste qui est la nôtre, c’est pourquoi nous nous efforçons de retrouver et de traduire ces textes oubliés ou inconnus des anarchistes francophones. Bien sûr, nous ne sommes pas des spécialistes et nous n’avons pas la prétention de la perfection. La traduction peut donc être parfois bancale malgré le soin que nous y apportons. Nous laissons librement ce texte à disposition pour qu’il soit diffusé, modifié, amélioré. Nous espérons qu’il suscitera de la réflexion et du débat parmi celles et ceux que le monde actuel débecte.

Bonne lecture !

 

325 : Comment t’es-tu retrouvée arrêtée le 19 Septembre 1994, avec quatre autres anarchistes (Antonio Budini, Christos Stratigopulos, Eva Tziutzia et Carlo Tesseri), et accusée de vol à main armée à la banque de Rovereto (Serravalle) en Italie ? Quelle a été l’évolution de ta vie pour que tu sois amenée à vivre cette situation ?

Jean Weir : Comment je me suis retrouvée arrêtée ce jour de Septembre 1994 ? Eh bien, ce n’était de toute évidence pas le « crime parfait »… Des locaux avaient vu des gens sauter par-dessus une clôture dans la forêt de la montagne Chizzola ; une énorme chasse à l’homme s’en est suivie, et en quelques heures, tout le monde était rameuté. Mais je ne pense pas que c’est ce que tu voulais dire. Tu me demandes comment ma vie a évolué pour aboutir à ce moment. Je vais tenter de répondre à cette question, qui semble impliquer qu’il s’agissait là d’une sorte d’apogée vers laquelle ma vie tendait. En fait, il n’en a pas été ainsi. Si les choses s’étaient passées différemment et que nous n’avions pas été attrapés, personne n’aurait eu connaissance de cet événement. Ça aurait simplement été une journée dans la vie de quelques compagnons et compagnonnes anarchistes.

Je ne pense pas qu’il y ait quoi ce que soit d’exceptionnel dans le fait que des anarchistes décident de reprendre un peu de ce qui nous a été volé à toutes et tous – nous devons faire face au problème de la survie comme les autres dépossédés, et en outre nous ne voulons pas nous contenter de survivre, mais nous voulons aller au-delà des limites imposées par la pauvreté et agir sur le réel. Certains camarades croient que l’expropriation sera un événement de masse où tous les exploités agiront ensemble durant un « Grand soir », d’autres ne sont pas disposés à attendre à l’infini que cela se produise, ni à passer toute leur vie exploités ou à participer à l’exploitation des autres.

Quand j’y repense, s’il y avait quelque chose d’exceptionnel, c’était le fait d’avoir des compagnonnes et des compagnons avec qui il était possible de discuter de n’importe quel sujet, et partant de là, d’agir potentiellement ensemble. Je dis exceptionnel, même si à cette époque c’était normal. Cette connaissance mutuelle (et de soi-même) approfondie résulte du fait d’être dans une lutte commune – manifestations, réunions, discussions, actions, etc. – au sein d’un mouvement anarchiste informel. Les relations entre camarades s’approfondissent, chacun acquiert une réelle connaissance de l’autre, pas seulement nos buts mais notre manière d’être en tant qu’individus, notre manière de réagir, nos forces et nos faiblesses. À partir de là je pense qu’il est naturel pour des compagnonnes et des compagnons qui se connaissent et se font mutuellement confiance d’explorer certaines questions plus en profondeur et de décider d’expérimenter afin de poursuivre leur lutte et s’ouvrir à de nouvelles possibilités, quelque soit le domaine. Pour les anarchistes, l’absence de hiérarchie s’applique aussi à l’action. Chaque type d’action menée dans une dimension projectuelle avec une réelle tension vers la liberté a la même légitimité que tous les autres. Read the rest of this entry »

[Tract] 22, v’là les flics !

décembre 4th, 2016 by conflits

« Ni resto Ni sauveurs » est un collectif qui distribue des repas vegans gratuits dans le centre-ville de Grenoble. Un infokiosque est aussi mis à disposition des personnes qui ne voudraient pas seulement manger. Il n’y a eu jusqu’à maintenant que trois distributions, mais chacune d’elle s’est accompagnée, en bonus, du spectacle de la stupidité policière.

Lors des deuxième et troisième repas dans la rue, les membres du collectif ont donc distribué un tract résumant brièvement la situation lors des deux premiers repas et exprimant l’envie des membres du collectif de continuer malgré tout. La version présentée ici est la dernière en date, distribuée lors du troisième repas.

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22, V’là les flics !

Le 11 juin et le 26 octobre 2016, nous avons servi nos premiers repas véganes gratuits dans le centre-ville de Grenoble. Par deux fois, la police nous a reproché d’occuper l’espace sans autorisation officielle, nous intimant de remballer le matériel. Nous avons refusé la première fois, laissant la possibilité à une dizaine de personnes de manger, nous déplaçant finalement au jardin de ville où une bonne dizaines d’autres personnes ont pu aussi se restaurer. La seconde fois, la police a isolé notre supposé responsable, l’a palpé, a fouillé son sac, alors même que nous acceptions de plier notre installation. Mais cela n’aura pas suffit, et le compagnon a fini au commissariat pour une vérification d’identité lors de laquelle il a été brutalisé. À ces deux occasions la police a été verbalement agressive et menaçante, comme à son habitude lorsque l’on s’oppose aux lois qu’elle est en charge de faire appliquer.
Ces contretemps n’ont pas entamé notre détermination à continuer de nous rassembler pour servir des repas véganes gratuits, ainsi qu’à diffuser et échanger autour des idées qui nous semblent importantes.

Dans ce refus de laisser tomber, tout en risquant d’être de nouveau les cibles de la répression étatique, se trouve notre volonté de nous réapproprier, ensemble, des espaces (faussement qualifiés de « publics ») qui nous sont sans arrêt volés par l’État et le monde marchand.
Il renferme aussi notre volonté de supprimer un rapport marchand (l’achat de nourriture) pour que reste, simplement, la satisfaction d’un besoin primaire sans avoir à mériter de l’obtenir par une contre-partie financière !
Cet épisode doit nous donner l’occasion de nous interroger sur ce qui est néanmoins une évidence : l’État, par l’intermédiaire de sa Loi, possède une forte emprise sur chacune de nos actions et elle s’opère toujours en défaveur des exploité‑e‑s – humain-e-s ou non. Nous ne voulons pas avoir à demander bien gentiment l’autorisation de donner de la nourriture. Nous ne voulons pas avoir à nous justifier du fait de partager nos idées, nos envies, nos perspectives avec des inconnu-e-s autour d’un repas végane non marchand. Du fait de nos idées anti-autoritaires et anti-étatistes, nous ne saurions nous encombrer d’une quelconque approbation de l’État pour que ces rencontres puissent avoir lieu dans la rue.

Ceci doit aussi nous donner l’occasion de nous interroger sur les forces que l’État met à son service pour écraser le plus rapidement possible tout ce qui sort de son cadre étriqué.
Ainsi, nous continuerons de sortir régulièrement dans la rue pour échanger autour d’un repas végane non marchand. Nous serons toujours plus intensément vivant-e-s que les laquais de l’État. Nous ne nous plierons jamais à la normalité de leurs centres-villes bourgeois.

Ni resto Ni Sauveurs

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Compte-rendu sur la prestation de Jean-Marc Rouillan à la librairie Résistances

octobre 17th, 2016 by conflits

[Texte reçu par mail]

Misère du marxisme-léninisme

Compte-rendu sur la prestation de Jean-Marc Rouillan à la librairie Résistances

Pour ceux et celles qui ne la connaissent pas, je rappelle que Résistances, tenue par des tiers-mondistes d’origine plus ou moins marxiste-léniniste, est l’un des principaux centres de ventilation de l’idéologie pro-palestinienne à Paris. Vu la taille du lieu, qui tient plus du petit centre de conférences que de la librairie habituelle, j’aimerais bien savoir qui sont les généreux donateurs. En tout cas, les positions des gestionnaires de Résistances impliquent aujourd’hui le soutien au Hamas, la multiplication de conférences avec des personnes aussi peu présentables que la complotiste Diana Johnstone, la même qui accusa, ces dernières années, les black blocks d’être des provocateurs au service de la police. Johnstone est soutenue par des négationnistes comme Jean Bricmont et Michel Collon, défenseurs de « la liberté d’expression » pour Robert Faurrisson, le célèbre « ami de la cause palestinienne », régulièrement invité à présenter ses thèses négationnistes au pays du caviar et de l’intégrisme d’Etat, l’Iran.

Je suis arrivé assez tard à la séance de présentation du dernier bouquin de Rouillan, Je regrette. Mais suffisamment tôt pour le voir enfiler des perles rares sur à peu près tous les sujets, en roulant des mécaniques à l’usage des jeunes néophytes qui s’étaient déplacés pour l’écouter. Je résume : sur l’histoire révolutionnaire en France à partir de Mai 68, il a fait l’apologie de la Gauche prolétarienne ; sur le rôle de la poésie dans la pensée révolutionnaire, celle des créateurs de la poésie prolétarienne, à la fin des années 1920, précurseurs du réalisme socialiste stalinien ; sur l’activité révolutionnaire en cercles affinitaires, celle du parti à la mode léniniste ; sur l’impérialisme, celle du tiers-mondisme, particulièrement en version palestinienne ; et, sur le syndicalisme, celle de la CGT ! Je ne blague pas. L’ensemble ponctué de lamentables justifications du genre : « Je ne suis pas supporter de Daesh, même des camarades ne l’ont pas compris. » Allusion à la récente prise de position de Claude Guillon contre lui, dans la foulée de l’affaire du Bataclan.

La grande majorité des personnes présentes étaient, à des degrés divers, d’obédience syndicaliste, façon CGT et SUD. Elles l’ont donc applaudi sans complexe, en particulier lorsqu’il a affirmé que l’une des grandes erreurs des « cortèges de tête », dans les récentes manifestations parisiennes, avait été de « se séparer de la CGT » ! Les quelques poignées de jeunes néophytes sans étiquette particulière, qui avaient eu l’occasion de voir le service d’ordre CGT en action, voire de s’y confronter, n’en croyaient pas leurs oreilles. Ils ont commencé à protester, du fond de la classe, vite censurés par l’une des maîtresses des lieux qui les a rappelés à l’ordre, sous prétexte que l’heure n’était pas « à la polémique contre le camarade, déjà menacé par l’Etat ». Lequel camarade, face à l’une des questions posées sur le rôle du SO de la CGT, n’a rien trouvé de mieux à dire qu’« il y a des crétins à la CGT comme ailleurs » et qu’il ne fallait pas « oublier que le principal objectif de l’actuel pouvoir est de détruire la CGT » !

Nous voyons donc ce que « regrette » Rouillan et en quoi consiste la « tradition révolutionnaire » qu’il compte « rappeler aux très jeunes révolutionnaires d’aujourd’hui ». C’est, y compris en matière de poésie, celle du marxisme-léninisme. Il est donc naturel qu’il soit reçu à bras ouverts, pour présenter son opuscule, par les principales unions locales de la CGT, du Havre à Amiens, en passant par Paris, et par des officines du genre de Résistances.

La fin de la réunion, vu que j’avais pris partie pour des jeunes perturbateurs potentiels, a failli tourner à la bagarre avec l’une des membres de la Fédération des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication (Filpac), fédération que je haïs particulièrement pour ses multiples infamies, en particulier pour la chasse aux sorcières qu’elle organise dans ces secteurs. J’en parle en connaissance de cause. Je rappelle que, parmi les bureaucrates en chef du Syndicat des correcteurs, puis de la Filpac, on retrouve l’un des ex-membres présumés d’Action directe. Bref, la néo-stalinienne de service, accompagnée de deux ou trois supporters, m’a donc traité de « sale anarchiste », de « destructeur du syndicalisme », etc. Elle a même affirmé que des « individus dans mon genre auraient dû être chassés de la librairie ». C’est beau la « liberté d’expression » ! J’ai commencé à gueuler contre cette attitude de nervis staliniens, y compris celle de la Filpac dans les dernières manifestations, et dans la mesure où quelques lycéens commençaient à intervenir, le trio a préféré disparaître. Seul intérêt de la soirée, j’ai pu discuter avec quelques personnes plus critiques que la  moyenne, et leur diffuser la critique d’Action directe datant des années 1980 : Aux armes, mégalos ! •

Julius, octobre 2016

Pour toute correspondance : julius75@free.fr

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Aux larmes, mégalos ! pourra être trouvé ici

Lettre ouverte à l’intention de la CGT de l’Isère

septembre 22nd, 2016 by conflits

Chère[1] CGT de l’Isère,

Nous t’écrivons aujourd’hui, non dans l’espoir que tu changes de stratégie, mais pour inviter tes alliés qui n’avaient pas forcément réfléchi à la question à analyser la situation. On s’adresse à toi aujourd’hui mais nous aurions pu envoyer cette lettre à d’autres de tes consœurs, tant la situation parait semblable dans d’autres villes. Et parce que nous aurions pu écrire ceci bien plus tôt, cela ne signifie pas que quelque chose d’inédit nous ait motivé aujourd’hui. Au contraire, il n’y a rien de bien nouveau. Mais par effet d’accumulation des non-dits et parce qu’il semble que ta maison mère ait décidé de siffler la fin de la récré officielle, arrive le moment où il faut parler des « choses » et les nommer. Des « choses » qui traînent depuis un bon moment déjà, et qui ont des conséquences.

Ce bref préambule étant posé, entrons dans le vif du sujet. Chère CGT de l’Isère, nous affirmons sans détour que tu ne vaux pas mieux que la flicaille. Et cela, pour plusieurs raisons que nous allons détailler dans la suite de cette lettre.

On pense que tu ne te vexeras pas en lisant ça, peut-être en seras-tu même fière, toi qui considères la police comme une « camarade » et qui la syndiques. Les condés et toi faites un boulot complémentaire : pendant qu’eux répriment et découragent toute volonté de subversion par la violence institutionnelle, toi tu te charges de contenir la rage par quelques réformettes. Vous travaillez main dans la main. Et souvent même les méthodes policières semblent être à ton goût.

Tu agis à chaque manifestation en leader autoritaire. Dès le début de l’agitation sociale de cette année 2016 tu as voulu prendre les rênes du cortège. Pire, tu dirigeais l’ordre dans lequel les divers collectifs ou organisations devaient se mettre en branle. Ça nous a surtout marqués lors de cette manif qui était partie depuis les locaux du PS, mais en fait ça c’est toujours passé comme ça.

Pour chaque journée « d’action » tu as fait le choix de parcours bien balisés, en accord avec le reste de l’intersyndicale dont les faits d’arme ne sont pas tellement plus glorieux. « Parcours » dont le départ et l’arrivée sont des lieux bien connus de la flicaille et où la foule est facilement maîtrisable, ceci empêchant tout départ groupé en dehors du cadre syndical et favorisant le boulot policier de contrôle des identités, de fouille, d’intimidation. Ainsi, alors même que beaucoup étaient dans la rue pour exprimer leur dégoût de la verticalité et du pouvoir, tu étais là pour réintroduire ces principes et les imposer à tous.

Mais ça ne s’arrête pas là. Car non seulement tu collabores avec la flicaille mais aussi (et conséquemment) avec l’État. Eh oui ! Finalement, si on pose bien le problème, c’est logique.

Légaliste, tu respectes les règles du jeu démocratique, tout en feignant d’ignorer que si elles existent c’est précisément pour maintenir le statu quo de l’exploitation capitaliste. Tu plébiscites le « dialogue social » et tout le marketing d’État : c’est bien normal puisque ton existence légale tu la dois à ce même État. Tu n’es donc pas autre chose que son émissaire au sein du mécontentement social. On y reviendra.

Mais attardons nous encore un peu sur ces diverses journées de promenades syndicales réformardes que tu co-organises avec le reste de l’intersyndicale. Franchement, on te félicite, tu fais ça sacrément bien ! Non seulement comme on l’a vu, le parcours est soigneusement choisi, mais encore tu t’empresses d’aller le déposer en préfecture, une fois ton choix effectué (et voté, certainement, avec les autres syndicats !). Au passage, merci d’avoir prévu un parcours aussi raccourci le 15 Septembre 2016, il faisait chaud et le moindre effort par cette chaleur est accablant. Tu te figures peut être que nous devrions également te remercier d’être allé demander des autorisations de défilé. C’est vrai que c’est important « les autorisations ». On ne saurait rien bouleverser de l’existant sans en avoir reçu « l’autorisation ». L’absurdité de ta démarche est toute contenue dans cette phrase.

Alors peut-être qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que tu fonctionnes comme ça, puisque depuis l’enfance on a tous intégré qu’il faut une autorisation pour tout. Il faut toujours garantir qu’on est inoffensif, même et surtout si on conteste l’ordre établi. L’État nous autorise ici ou là à tenter d’atténuer les effets de telle domination si nous sommes suffisamment dociles, mais nos actes ne doivent à aucun moment viser à faire s’effondrer les pouvoirs.

Ainsi, peut-être que tu ne serais qu’une « simple victime » de l’infantilisation d’État ?

On aurait pu t’accorder le bénéfice du doute sur la question si nous n’avions constaté à de multiples reprises que tes actions étaient toutes façonnées par la logique du pouvoir. Ton respect de l’ordre est plus une acceptation consciente et assumée des rapports de pouvoir qu’une reproduction mécanique imputable à l’air ambiant. Tu es parfaitement démocrate, c’est-à-dire que tu prétends combattre l’exploitation au nom d’une exploitation mieux ordonnée, plus mesurée. En réalité tu ne fais qu’accroître la pérennité du vieux monde qui l’a vu naître.

Ainsi tu perpétues l’ordre et la norme sociale tout en te disant progressiste. D’un côté, tu montres que tu es inoffensive et que tes actes ne visent à aucun moment à en finir avec des processus de domination. De l’autre, tu organises le spectacle de la contestation, par l’intermédiaire de ton leader charismatique des métalos, mixant slogans réformistes et imagerie guévariste. D’un côté tu appelles à la « Révolution », en ne sachant manifestement pas ce que ça veut dire, de l’autre tu fais en sorte que le parcours soit bien balisé, que l’État puisse mettre ses lignes de sbires le long des rues d’où la contestation et la révolte ne pourront pas sortir. Ça s’appelle faire de la politique. En somme, tu n’es animée que par une chose : la survie de ta structure. Et tu as bien compris de quel côté se situe la défense de tes intérêts.

Ton travail de collaboration ne s’arrête évidemment pas là.

Tu échanges complaisamment avec les plus perfides des flics : la DGSI (anciens RG). Tu sais, ceux qui ne portent aucun signe distinctif, si ce n’est une oreillette et une attitude qui les trahit toujours.
Et puis, tu te comportes toi-même comme une extension de la police.
Comme on l’a vu, tu en partages les valeurs et tu légitimes la source de son pouvoir : l’État. Mais, il suffit de voir le genre de secteurs dans lesquels la CGT a des fédérations pour comprendre que tu puisses reprendre à ton compte des pratiques policières.

Ainsi, tu as un service d’ordre ! Alors évidemment, ce SO est plus ou moins virulent en fonction des villes. On a par exemple pu le voir à l’œuvre à Paris, armé de manches de pioches et de matraques télescopiques, n’hésitant pas à s’en servir. Celui de Grenoble n’est pas (encore) à ce niveau mais commence à se montrer impatient.

Un bref récit de la dernière manifestation en date pourra éclairer celles et ceux qui doutent encore que tu sois leur ennemi au sein du mouvement :

Nous comprenons bien que tu aies été vexée de perdre l’avant de la manifestation en ce 15 Septembre, comme ça avait été le cas à l’époque du CPE. On peut comprendre que pour le Petit père des ouvriers que tu es, on ne se refait pas, se retrouver symboliquement derrière (ou en tout cas, pas devant) peut être humiliant. Néanmoins, ton SO nous a quand-même impressionnés par la puissance physique qu’il a mise en œuvre pour accélérer le rythme la manifestation (et donc l’amener plus rapidement à son terme) alors qu’elle était emmenée par des personnes énervées et autonomes. [Au sujet du cortège de tête, il faudra qu’on reparle des perspectives, mais disons que c’est un début.]

Peu avant l’arrivée officielle, la partie révoltée du cortège, qui était donc à l’avant, a décidé qu’elle ne voulait pas rentrer si tôt au bercail et s’est engouffrée dans une rue qui n’était pas prévue au programme. Tu te souviens de ce que tu as fait alors ? Évidemment ! Tu as ordonné à ton virile SO de faire une ligne à l’entrée de la rue où la tête s’était engagée pour empêcher tes militants de suivre.

Voir ton service d’ordre dresser un mur symétrique au « cordon de sécurité » de la police, pour conduire le bétail récalcitrant jusqu’à la nasse de fin de manif, est une image qu’on n’est pas près d’oublier. Pas la peine d’invoquer un quelconque « sens des responsabilités », on sait très bien ce que ça veut dire. Bon… pour tout te dire, ton SO a encore des cours à prendre question gestion des foules, mais on ne se fait pas de soucis pour toi, tes relations dans la police te seront certainement utiles.

Finalement, nous n’avons pas réussi à sortir du parcours balisé, alors on est allés s’échouer sur la place prévue, à l’heure d’arrivée prévue. On t’est reconnaissant de te soucier d’économiser nos forces, merci !

Mais pour nous la ballade n’était pas terminée, et faut dire qu’on n’était pas venu pour les merguez. Il n’a pas fallu attendre longtemps avant qu’une nouvelle tentative de prolongation de la manifestation n’ait lieu. Et bien sûr la flicaille (l’officielle, cette fois-ci) n’était pas décidée à nous laisser sortir.

À ce stade du récit, un certain goût pour la vérité nous oblige à reconnaître que sans toi ce 15 Septembre aurait été moins drôle. En effet, au moment même où nous nous faisions gazer et matraquer, ton leader charismatique de la CGT des métalos se fendait d’un discours sur le libre arbitre de chacun concernant la participation à la manif sauvage ! Encore ce bon vieux sens des « responsabilités» sans doute. Après avoir passé l’intégralité du mouvement social à tenter de marginaliser ceux qui voulaient que les manifestations soient autre chose que des promenades inoffensives, tu nous renvoyais, toi, à l’exercice de notre liberté ? Fendard ! Mais tout ça est très logique encore une fois. En fait, ce que tu voulais dire c’est qu’une fois TA manifestation finie, une fois TON tour de manège terminé, tu t’en laves les mains. On voit donc jusqu’où va ton fameux sens des responsabilités. Qu’un abris-pub éclate et tu en perds le sommeil. Que la répression s’abatte sur 200 manifestants et tu t’en cognes, puisque tu as renvoyé chacun à son libre arbitre. Pour bien mesurer la confusion politique de ton leader charismatique des métalos on se remémorera cette fin de manif, avant la trêve estivale, où, peut être grisé par l’alcool, il en était venu à nous parler d’anarchie (rassure-toi, on n’en attendait rien !).

On ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Car il y encore une autre chose qui nous a bien fait marrer le 15. Grâce à toi (et bien sûr à l’acharnement de la flicaille à nous taper dessus) on n’a vraiment pas perdu notre journée ! On doit t’avouer qu’on est quelques-uns et quelques-unes à avoir trouvé bien cocasse ta nouvelle campagne « féministe de la CGT » … Chose étrange, nous n’avons vu que des hommes portant ton nouveau t-shirt violet frappé de ce slogan. Mais loin de nous d’imaginer qu’il s’agit d’une opération de racolage envers des milieux plus radicaux. Quoi qu’il en soit on a constaté que ton service d’ordre avait besoin de cours de rattrapage sur la question. Y surprendre les pires remarques sexistes à deux pas de tes militants affichant ton virage féministe, ça avait un petit côté absurde, qui nous a fait sourire et qui est finalement plutôt représentatif de notre quotidien. C’est le miracle de la politique, et du citoyennisme, que d’arriver à faire croire aux dominés qu’on défend leurs intérêts en étant main dans la main avec les dominants.

Bon, on rigole, on fait dans l’ironie, mais en réalité le sujet est sérieux. Comment peut-on encore croire que des manifestations inoffensives peuvent arriver à arracher quoi que ce soit ? Et ne nous parle pas de l’escroquerie intellectuelle que constitue ta « votation citoyenne » ! Que des individus te fassent encore confiance défie toute logique. Comment peut-on accepter d’être mené par une organisation en bout de course, n’ayant en ligne de mire que la survie de sa structure lors des prochaines élections (ici « professionnelles ») ? Il s’agit là d’un phénomène qui mérite une analyse à lui tout seul et que nous n’amorcerons pas dans cette lettre.

Il est grand temps de réaliser que les forces réactionnaires et contre-révolutionnaires ne se trouvent pas seulement à l’opposé des mouvements sociaux, mais aussi en leur sein même.

Faut-il rappeler la participation de la fédération CGT dockers et ports de Calais, main dans la main avec le syndicat de police Alliance à la manifestation réactionnaire anti-migrants du 24 Janvier 2016[2] ?

Faut-il rappeler les glorieuses actions du service d’ordre CGT-FO de la manifestation parisienne du 17 mai 2016 ?

Faut-il rappeler que la CGT réutilise sans arrêt le vocabulaire du pouvoir quand-il s’agit de désigner des individus refusant la mascarade de la manifestation inoffensive ?

Tu n’as eu de cesse de faire dans la pacification sociale.

Tu appelles à la grève mais jamais générale. Tu perpétues tes marches folkloriques à l’issue desquelles tu remplis tes caisses avec la vente d’alcools et de sandwiches. Parfois tu organises une ou deux actions plus marquantes, mais que tu es capable de saboter toi-même en prévenant la police à l’avance ! Tu organises le spectacle de la contestation, et un simulacre de rapport de force. Tu fais partie intégrante de la stratégie étatique dans l’offensive capitaliste actuelle. Tu fais le jeu de la confusion politique par tes analyses critiques superficielles et tes prises de position interclassistes. Tu participes à l’extinction de la conscience de classe et renforce le fatalisme chez les exploités. Et puis tu finis par passer à la table des négociations. Mais il n’y a rien à négocier avec l’ennemi.

Et cette stratégie n’a aucun avenir. Même pour des réformistes. En combattant les forces que tu ne pouvais avoir sous ton contrôle au sein des mouvements de ces dernières décennies, tu n’as fait que scier la branche sur laquelle tu étais assise. Tu ne seras bientôt plus en mesure d’arracher à l’État la moindre miette, si ce n’est pas déjà le cas. Tu n’es même pas en mesure aujourd’hui de le faire reculer sur une loi rejetée à la quasi-unanimité.

Certaines personnes qui sont proches de nos positions considèrent souvent que, s’il faut critiquer les centrales syndicales, les militants et militantes n’y sont pour rien et n’ont pas à subir nos critiques. Nous considérons au contraire qu’ils ont eux aussi une part de responsabilité.

Le fait qu’ils adhèrent donne de la légitimité à la CGT. Sans compter qu’ils abandonnent leur autonomie pour laisser le soin à une organisation (avec tout ce que ça implique) de gérer les problèmes qu’ils rencontrent avec leurs exploiteurs et qu’ils n’ont pas leur mot à dire sur la manière dont la lutte doit être menée ni sur quelle base. Adhérer par conviction politique à la CGT c’est se condamner à une absence d’analyse critique du « travail », en tant qu’activité contrainte apparue avec le capitalisme. Tout comme continuer à penser dans le cadre démocratique c’est tenter de mener une lutte sur le terrain de la bourgeoisie en usant des outils qu’elle a forgé pour maintenir sa domination (la politique, la justice, etc.).

Si ça peut te rassurer, chère CGT de l’Isère, on aurait pu remplacer, dans beaucoup de phrases de cette lettre, le sigle « CGT » par d’autres sigles d’organisations.

Nous n’attendons pas forcément de réponse, mais nous ne te cachons pas que ça nous ferait bien rire de lire tes tentatives de défense et de justification.


[1] Cher : adjectif. Qui est d’un prix élevé (et pas seulement en terme pécuniaire).

[2] http://france3-regions.francetvinfo.fr/nord-pas-de-calais/calais-2000-manifestants-pour-la-defense-du-port-et-de-la-ville-911865.html


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Pourquoi nous rejetons le citoyennisme

septembre 15th, 2016 by conflits

Que les choses soient claires, nous ne considérons pas notre positionnement sur cette question comme étant supérieur aux autres, ni comme le seul valable. Néanmoins, nous voulons apporter notre contribution au débat. Nous trouvons que la question du citoyennisme et des attitudes militantes qui s’y rapportent n’est pas, ou peu, posée frontalement (de même que d’autres questions, qui seront abordées dans de prochains textes), ceci sans doute par peur de faire tomber l’illusion de l’unité, et nous souhaitons faire la démonstration que la tendance hégémonique des discours emprunts de citoyennisme, loin de donner de la vigueur aux mouvements sociaux, les affaiblit considérablement.


Lorsqu’une association s’est cristallisée en société, elle a cessé d’être une association, vu que l’association est un acte continuel de réassociation. Elle est devenue une association à l’état d’arrêt, elle s’est figée. […] Elle n’est plus que le cadavre de l’association ; en un mot, elle est devenue société communauté.

Max Stirner, L’Unique et sa propriété, 1845

Nous entendons par « citoyennisme » la croyance selon laquelle on pourrait apprivoiser le capitalisme, par l’intermédiaire d’un État qui serait au service du « peuple »[1] et qui serait susceptible – si on savait se doter de moyens de contrôles sur les « élus » – de venir à bout des diverses formes d’oppression découlant de l’activité capitaliste. Le plus souvent, comme source de tous nos maux, les discours citoyennistes ne mentionnent d’ailleurs que le « néo-libéralisme » ou « la finance » qui une fois maîtrisés (aux moyens de mesures d’État dont on aura préalablement repris les rênes) laisseraient place à une société « débarrassée du chômage » où s’épanouiraient des citoyens responsables, jouissant équitablement des bienfaits d’un capitalisme à visage humain. Au sein de cette vision du monde où la conscience de classe s’est éteinte, la démocratie, c’est-à-dire le régime politique le plus apte à la sauvegarde des intérêts bourgeois, est devenu le mode d’organisation indépassable des sociétés humaines. Des citoyens, toutes classes confondues battent le pavé unis par ce maître-mot, quand bien même un-e exploité-e aurait pour voisin-e de manif un cadre, un petit patron ou bien même son bailleur. Nul ne discerne plus les points d’émergences des rapports de domination. « Démocratie », ce mot résonne aux oreilles du citoyen comme la promesse de l’âge d’or du progrès social – moyennant quelque ajustement de formes . Et dans le temps où les citoyens négocient avec les pouvoirs publics telle ou telle revendication, l’État qui a réussi à se fondre en eux et à les assimiler au point de leur faire dire « l’État c’est nous », poursuit son rôle de courroie de transmission du capital et de fructification des intérêts bourgeois.

Les outils utilisés par les diverses organisations et individus propageant le citoyennisme sont, parmi d’autres, les manifestations « à slogans », les actions symboliques (ATTAC utilisant beaucoup ce genre d’action, ainsi que Nuit Debout, comme on a pu le voir ces derniers mois), les pétitions (dont certains sites comme Change.org ont fait un véritable business en revendant les informations des pétitionnaires à d’autres entreprises) et de manière générale, toute action favorisant la négociation avec l’État afin de satisfaire tout ou partie des revendications.

Lors de ces actions, l’obsession des organisations et individus propageant le citoyennisme, est leur visibilité médiatique, l’objectif étant si possible de mettre en valeur un nombre important de participants.

Ainsi, l’utilisation des médias bourgeois comme vecteurs d’idées et actions citoyennistes est quasi-systématique, alors même qu’une grande partie des militant-e-s sont (à juste titre) critiques envers ces médias. On a parfois l’attitude inverse qui consiste en une complaisance aveugle envers des médias dit « alternatifs », sans se rendre compte que ceux-ci sont souvent des acteurs de la confusion politique (parmi eux, Reporterre est très populaire chez certain-ne-s militant-e-s).

Puisqu’il est question de confusion politique, il peut être pertinent de s’intéresser au terme « citoyen ». À l’image du mot « peuple », il s’agit d’un terme fourre-tout censé désigner toute personne qui se place sous l’autorité d’un État, sans prise en compte de la manière dont un individu en particulier se situe en regard de cette autorité, et sans considérer sa condition sociale.

Lorsqu’il est utilisé comme adjectif, il désigne tout ce qui semble bon pour l’intérêt général, tout en se plaçant dans le cadre bien confortable de ce qui est autorisé par l’État, ou du moins dans le cadre de ce que « l’opinion publique » approuve.

Globalement, le citoyennisme s’appuie sur le réformisme : changer sans détruire, construire « à côté » (assemblées « citoyennes », petites entreprises locales, business militants en tous genres, etc.), chercher des alternatives, opérer des transitions, parfois propulser son/sa candidat-e-s « citoyen-ne- » aux élections (cela se voit peut-être plus facilement au niveau local). On pourrait résumer ce réformisme à un morceau de slogan bien connu : « Partage des richesses, partage du temps de travail », lequel témoigne d’une absence d’analyse critique desdites « richesses », qu’il s’agisse de l’argent ou de la marchandise, et du travail. Partant de là, un certain nombre d’organisations anarchistes peuvent elles aussi être considérées comme étant complaisantes avec le citoyennisme.

De par la direction qu’il prend chaque fois qu’il s’exprime, le citoyennisme est fondamentalement contre-révolutionnaire. Il crée en effet un plafond de verre au-delà duquel les personnes prenant part aux actions « citoyennes » ne peuvent penser. Il est aussi contre-révolutionnaire dans la mesure où les forces mises en jeu dans ces actions et pensées « citoyennes » finissent bien souvent par y rester et par s’y perdre. Cela conduit non seulement à une désertification de l’analyse révolutionnaire, mais aussi à augmenter le nombre de faux-alliés, voire d’ennemis, de ce-lle-ux qui veulent en finir avec le vieux monde.

Notons aussi qu’on retrouve souvent le citoyennisme associé au patriotisme ou au nationalisme (quelque soit la place qu’il prend sur l’échiquier politique). Pour ne citer qu’un exemple, on a pu voir ces derniers mois des stickers bleus et oranges reprenant le slogan à la fois ridicule et dégueulasse de la nouvelle campagne de Mélenchon.

En tant qu’anarchistes, nous refusons tout pouvoir, et notamment celui de l’État. Nous souhaitons avoir la liberté de décider par nous-mêmes et pour nous-même sans qu’aucun élément extérieur, qu’il soit minoritaire ou majoritaire, ne vienne décider à notre place de la manière de mener nos vies.

Ainsi, nous trouvons inconcevable le fait de donner une quelconque légitimité à l’Etat, ni même à n’importe lequel de nos ennemis, en le choisissant comme interlocuteur, en acceptant de négocier avec lui.

L’État ne voit en chaque individu qu’il tient sous son joug qu’un citoyen, un contractant, dénué de fait de son individualité, sans que celui-ci ait jamais eu la moindre possibilité de refuser le « contrat social ». En considérant ainsi l’individu, l’État l’annihile, le noie dans une masse apolitique de citoyen-ne-s, et lui vole bien souvent toute volonté d’être pour lui-même et par lui-même. Le citoyen, la citoyenne devient alors un élément d’un système bien huilé qui rejettera tout ce qui sort du cadre étatique, tout ce qui n’est pas approuvé par l’opinion publique.

Pour cette raison, nous considérons de fait les citoyen-ne-s comme des ennemi-e-s avant de les considérer comme de potentiel-le-s complices, et nous rejetons toute pensée, toute action qui perpétue le/la citoyen-ne.

Cependant, nous ne fétichisons pas la forme radicale. Des formes d’actions radicales, violentes, ont été sporadiquement utilisées pour servir des intérêts qui ne sont pas les nôtres.

Dans le mouvement qui a agité le début de l’année 2016, on a vu apparaître une sorte d’idolâtrie d’une forme de cortège qui n’est pas nouvelle, mais qui s’est vue pour l’occasion affublée d’un nouveau nom : le « cortège de tête ».

Ce cortège de tête a rassemblé aussi bien des anarchistes que des communistes autoritaires, aussi bien des syndicalistes que des nuitdeboutistes. Certaines personnes s’en réjouissent, ce n’est pas notre cas. Nous ne nous plaçons pas dans un délire de pureté révolutionnaire, nous faisons juste preuve de pragmatisme : le « cortège de tête » est animé par la forme avant d’être animé par une perspective commune.

Nous ne recherchons pas l’union à tout prix, nous recherchons des individus qui puissent être nos complices à la fois dans l’action et dans les perspectives, qui partagent avec nous à la fois le rejet de ce monde, et les idées d’un monde dans lequel nous souhaitons vivre.

P.S. : Une critique approfondie du citoyennisme ne pouvant tenir sur un A4 recto-verso, nous conseillons la lecture du texte « L’impasse citoyenniste ».


[1] La notion de « peuple » regroupe tous les individus, indépendamment de leurs objectifs et de leurs intérêts, donc aussi bien les exploiteurs et exploiteuses que les exploité-e-s.